La pendule sonna deux coups dans le salon du bungalow silencieux. Dans la chambre à côté, Ronald Ward se retourna sur son lit une fois de plus : il s’était couché à minuit après avoir avalé un verre de gin tiède mélangé à un soda non moins tiède et n’avait cessé depuis, de compter les heures et les demies qui s’égrenaient. Ce n’était certes pas le verre d’alcool la cause de cette insomnie mais la chaleur. Une chaleur pesante, humide, accablante. Un tel état de choses était chronique à Talete – petite île perdue du Pacifique – mais vraiment ce soir-là c’était l’enfer : les portes et fenêtres du bungalow, grandes ouvertes, laissaient bien pénétrer un peu d’air, mais comme toujours sous les tropiques, c’était la brise de terre qui soufflait, cette brise qui s’établit tous les soirs sans apporter aucun soulagement ; chargée de tous les miasmes de la forêt, lourde de l’odeur de coprah des plantations, elle ne fait qu’ajouter à la pesanteur de l’atmosphère une oppression d’étuve et une humidité qui colle le linge à la peau.