On est bien, couché dans l’herbe inégalé, on s’y prélasse, dominé par ce large platane qui incite à rêver. Les rêves sont des jeux où l’on reste immobile et qu’il est superflu d’arranger à l’avance, des jeux où l’on n’a nul besoin de compagnons : un plaisir pour soi seul. L’arbre touffu de feuilles nombreuses, le long corridor blanc au bout duquel je m’assieds sur une chaise de paille, le petit salon de bonne-maman, à l’heure où elle lit son journal, les fenêtres ouvertes sur le bois de pins, sur la colline toute en rochers bleus (je ne les voyais pas bleus, d’abord), sur la mer où des bateaux se promènent, voilà les lieux où le rêve, ce jeu pour moi, se développe mieux que partout ailleurs. — Aujourd’hui, je rêve, couché dans la prairie, au pied du platane dont mes parents disent avec un air satisfait : « C’est le plus beau platane du pays ». De ce pays, ils n’ont jamais défini au juste l’étendue.