Aélys aux cheveux d'or
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Extrait
| I
Le Vieux-Château semblait endormi sous la brûlante lumière d’été qui cuisait les murs noirs et desséchait les mousses dont étaient couverts les toits en pente rapide faits pour supporter le lourd poids des neiges.
On n’entendait pas un bruit aux alentours. Dans la forêt qui commençait à la clôture du jardin, les oiseaux se taisaient, comme accablés eux-mêmes par la lourdeur d’une atmosphère chargée d’orage. Deux jeunes chiens de Saint-Bernard dormaient près d’un vieux chat gris, tous étendus dans l’ombre du porche cintré sous lequel apparaissait entrouverte la vieille porte cloutée de fer.
Par cette ouverture se glissa soudain une toute petite fille. Quand elle passa dans la zone ensoleillée, ses cheveux parurent flamber sous la lumière ardente qui les enveloppait. Un des chiens redressa un peu la tête, fit un mouvement pour se soulever, puis s’étendit à nouveau en refermant les yeux.
Déjà, d’un bond, l’enfant avait gagné l’ombre du parc. Elle s’élança dans un sentier, en sautant comme un faon. Ses cheveux, libres de toute entrave, flottaient autour d’elle en longues boucles soyeuses d’un ardent blond doré. Le corps menu était à l’aise dans la robe de percale blanche à fleurettes vertes que retenait autour de la taille une ceinture de soie verte fanée. La petite fille pouvait donc courir sans entraves dans les sentiers étroits, mal tracés, dont ses pieds minuscules, chaussés d’escarpins de toile grise, semblaient à peine toucher le sol.
Ce parc de Croix-Givre avait un aspect un peu sauvage, dans cette partie voisine de la forêt. Mais, un peu plus loin, il commençait de présenter une apparence plus civilisée qui s’accentuait aux approches du château. Toutefois, il n’avait rien d’un parc ratissé, minutieusement soigné. Jean Forignon, le jardinier, et ses deux aides se contentaient d’élaguer les arbres trop exubérants, d’enlever à la fin de l’automne les feuilles mortes dans les principales allées, de couper deux ou trois fois pendant l’été l’herbe qui formait dans les clairières de grandes pelouses rustiques. Pour le reste, ils dédaignaient de s’en occuper, réservant leurs soins au parterre à la française qui s’étendait autour de la résidence...|