La colombe de Rudsay-Manor
Description of book
Extrait
| I
Le commandant Orguin ouvrit la porte de la petite salle d’étude, jeta un coup d’œil satisfait sur les deux têtes brunes penchées sur les cahiers et demanda :
– Qui vient faire une promenade avec moi ?
Les jeunes têtes se redressèrent, deux voix joyeuses répondirent :
– Moi, papa !
D’un bond, Jocelyne et Goulven étaient debout. Ils s’élancèrent vers le vestibule, décrochèrent leurs chapeaux et, bientôt, le commandant, entre ses deux enfants, suivis de leur chien Niquet, s’en allait d’un pas alerte dans la direction de la grève.
La brise était fraîche, en cette matinée d’avril un peu grise. Sur la mer légèrement houleuse, des barques de pêche se balançaient, les voiles gonflées. Le petit bourg de Kersanlic, blotti au fond d’une anse, s’ouatait d’une brame légère, qui couvrait aussi les bois dont la verdure nouvelle apparaissait au loin, sur la droite.
Le commandant, tout en marchant, causait avec ses enfants, qu’il chérissait tendrement. Son métier de marin l’éloignait bien souvent ; mais, au cours de ses congés, il ne les quittait guère et complétait par ses enseignements de chrétien et de parfait honnête homme l’éducation remarquable donnée par sa femme à ces petits êtres pétris de qualités exquises.
Jocelyne était une jolie fillette brune, dont les grands yeux bleus laissaient deviner l’âme charmante. Son frère, de quatre ans plus âgé, lui ressemblait, mais sa nature était plus vive, plus ardente, et ses goûts quelque peu aventureux. Tous deux professaient une profonde affection pour les parents qui les entouraient, moralement et physiquement, de tant de soins.
– Où allons-nous, papa ? demanda Jocelyne qui s’était pendue à la main du commandant.
– Jusqu’au rocher du Chat, ma chérie.
Il étendait la main vers un des rochers superbes qui parsemaient la grève. Celui-là avait une forme particulière : il représentait assez bien l’image d’un énorme matou faisant le gros dos. À ses pieds, la mer déferlait, jetant son écume jusqu’à mi-hauteur de la roche lentement rongée par elle...|