La voie divine
Om bogen
Extrait
| I
Dans la salle du Chapitre, elles étaient toutes réunies autour de l’abbesse, les religieuses en robe blanche, en long manteau noir. Par les fenêtres étroites et longues, haut placées dans les embrasures profondes, la lumière des jours d’été entrait, en se colorant de rose vif, d’ocre pâle, d’azur et de vert ardent, au passage des vitraux du seizième siècle, œuvre d’un artiste anonyme. Des feuillages, agités au dehors par une forte brise, déplaçaient sans cesse ces clartés multicolores qui semblaient se jouer sur le pavement de la salle, sur les bancs de chêne noirci, sur les robes et les visages des religieuses. L’abbesse était enveloppée d’une rayonnante auréole couleur d’espérance, la sainte Mère Marguerite de l’Incarnation, dont les yeux angéliques semblaient déjà contempler la cité divine, baignait dans l’azur, et le doux visage recueilli de Mère Marie-Madeleine de la Croix apparaissait environné d’une pourpre éblouissante.
Toutes attendaient avec un émoi secret la communication qui allait leur être faite. Elles en pressentaient la nature. Et la physionomie altérée de l’abbesse, cette façon de les regarder, longuement, avec des yeux d’angoisse et de tendresse, leur disait, avant que les lèvres eussent parlé :
– C’est fini. Mon dernier espoir s’est évanoui.
Oui, c’était fini. Elles devaient se séparer, chassées de ce couvent, leur bien, par une loi spoliatrice. Elles devaient s’en aller, comme des bannies, pauvres femmes dont plusieurs n’avaient plus de toit qui pût les recevoir. Et, parmi les autres, combien seraient accueillies à contrecœur, comme une gêne, un fardeau ?..|