L’illusion orgueilleuse
Om bogen
Extrait
| I
La pluie venait de cesser enfin. Agnès sortit sur la terrasse et s’aventura dans l’allée étroite qui s’allongeait devant elle, entre deux parterres à la française où les fleurs d’automne penchaient leurs têtes alourdies.
L’eau glissait en grosses gouttes le long des feuilles, le long des branches des vieux arbres taillés qui formaient au-dessus de l’allée une voûte régulière, où se dégradaient tous les tons du roux. De temps à autre, une de ces gouttes tombait sur les cheveux châtain doré, légers et vaporeux, qui formaient au-dessus du front d’Agnès deux petits bandeaux très simples et, par-derrière, retombaient en une torsade trop serrée, retenue par un nœud de faille noire.
La jeune fille relevait sa jupe autour d’elle et posait soigneusement ses pieds menus sur les parties de l’allée où subsistaient encore quelques cailloux. Elle semblait tout absorbée par le soin de ne laisser aucune éclaboussure souiller ses petits souliers de chevreau noir et ne leva la tête qu’en se trouvant au bout de l’allée, devant un petit kiosque rustique.
Une jeune fille était assise là. Son buste s’appuyait au dossier raide d’un fauteuil de fer, ses mains jointes retombaient sur sa jupe de lainage bleu foncé, semblable à celle d’Agnès. Devant elle, sur une table de bois grossier, s’étalait le satin blanc d’une chasuble ornée d’une riche broderie, et les soies multicolores, et tout l’attirail du travail. Dans les yeux bleus qui étaient la seule beauté de ce visage aux traits irréguliers et au teint très mat, une expression d’angoisse flottait, et le front ombragé de cheveux noirs se barrait d’un pli soucieux.
– Jacqueline, ma tante et moi, nous demandions ce que tu étais devenue.
À la vue d’Agnès, la jeune fille sursauta légèrement. Un sourire forcé vint à ses lèvres pâlies.
– Je travaille ici, comme tu vois. On y est fort bien...|