Le sujet de ce livre n’est point la guerre, bien que la guerre le couvre de son ombre. Le sujet de ce livre est l’engloutissement de l’âme individuelle dans le gouffre de l’âme multitudinaire. C’est, à mon sens, un événement beaucoup plus gros de conséquences pour l’avenir humain que la suprématie passagère d’une nation.
Je laisse délibérément au second plan les questions politiques. Il faut les réserver pour des études spéciales. Mais quelques causes qu’on assigne aux origines de la guerre, quelles que soient la thèse et les raisons qui l’étayent, aucune raison au monde n’excuse l’abdication de l’esprit devant l’opinion.
Le développement universel des démocraties, mâtinées d’une survivance fossile: la monstrueuse raison d’État, a conduit les esprits d’Europe à cet article de foi que l’homme n’a pas de plus haut idéal que de se faire le serviteur de la communauté. Et cette communauté, on la définit: État.