Hoëlle aux yeux pers
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Extrait
| I
En cette soirée de septembre 1774, la tempête s’était élevée avec une soudaineté qui surprit les plus expérimentés parmi les marins de la côte cornouaillaise, autant du moins que les caprices de la mer peuvent surprendre des hommes habitués à s’y soumettre depuis leur enfance. Vers neuf heures, la violence du vent s’accrut. À ce moment-là, un coup de canon se fit entendre, puis deux autres à intervalles assez rapprochés. Un navire en perdition demandait du secours.
Dans la salle basse de Ty an Heussa, un homme qui lisait leva la tête, écouta, les yeux brillants. Un rictus de satisfaction entrouvrait ses lèvres minces qui ressortaient comme un trait sanglant sur la blancheur de la figure, jeune encore.
Cet homme se leva et appela :
– Jeanne !
D’une pièce voisine, dont la porte était entrouverte, surgit une jeune femme blonde qui tenait sur ses bras un enfant.
– Je sors ! dit brièvement l’homme.
La pâle figure de la jeune femme eut une crispation, ses lèvres tremblèrent en disant :
– Tu vas... là-bas, Edern ?
– Oui.
Sur cette laconique réponse, Edern de Porspoët alla vers une armoire creusée dans le mur et y prit un large manteau dont il s’enveloppa. Derrière Jeanne apparut une grande femme maigre d’une cinquantaine d’années qui portait la coiffe du pays d’Audierne. Dans le visage osseux, les petits yeux noirs luisaient de contentement.
– Tâchez de nous rapporter quelques barils de bonne eau-de-vie, monsieur, comme la dernière fois ! dit-elle de sa voix gutturale.
Puis elle eut un rire mauvais en remarquant le mouvement d’horreur que n’avait pu contenir la jeune femme.
– Vous ne vous y habituerez donc jamais, madame ?
Il y avait dans son accent une insolence railleuse...|