Depuis qu’il avait tourné l’angle des quais de la Seine, en venant de la gare d’Orléans, pour suivre aux clartés du gaz la montée du boulevard Saint-Michel, – vingt fois déjà des exclamations pareilles avaient salué Auradou… Lui, égaré, affolé comme un oiseau de nuit jeté tout d’un coup en plein jour, continuait à se frayer une route entre les bandes d’étudiants et de femmes qui descendaient le long du trottoir, houleuses comme un flot… Rêvait-il ?… Il n’en savait rien… Autour de lui tourbillonnait une foule bizarre, – des hommes très jeunes, le masque tiraillé et vieillot, convulsé par un rire factice ; – des femmes aux mouvements d’automates, à la figure artificielle, d’un blanc de plâtre et d’un rouge sanglant… Justement, ce soir-là, le quartier était en effervescence ; dans la journée, quatre étudiants avaient été acquittés en correctionnelle, après une bataille à Bullier avec des souteneurs. On fêtait leur mise en liberté et le boulevard latin avait sa physionomie des jours de carnaval.