Je suis né le 21 mars 1751, au manoir de Pendor, dans la paroisse de Guidel, en Bretagne. Mon père était de bonne maison et ma mère demoiselle. J’étais tout petit quand je les perdis.
J’avais quatre ans quand notre joli manoir de Pendor fut vendu. Le bois de grands vieux hêtres qui ombrage la route de Lorient à Quimperlé m’a bien souvent fait peine à regarder, du temps que j’allais à l’école du presbytère ; mes camarades me disaient :
— C’était à toi autrefois, Keramour, tous les nids et toutes les noisettes qui sont là dedans.
Et moi je répondais, car l’orgueil est de tous les âges :
— Nous avions aussi le grand château de Keramour, avec ses quatre étangs et sa forêt, qui a trois lieues de large ; et nous avions bien d’autres choses encore, que je rachèterai quand j’aurai fait fortune.
J’ajoute tout de suite que ce beau château de Keramour avait abandonné ma famille depuis bien longtemps. Lors de ma naissance, il appartenait déjà au vieux Merlin, qui n’était pas l’enchanteur de ce nom.