Le Diable au Sahara
Tietoa kirjasta
Ceci est encore une histoire, la dernière histoire peut-être, de mon ami Barnavaux, que la guerre m’a tué. Mais, avant de la conter, ne faut-il pas que j’explique ?… Voici deux siècles déjà que Philippe d’Orléans, régent de France, se plaignait d’avoir dépensé vingt mille écus pour voir le diable et de ne l’avoir point vu. Mon regret est pareil. On dirait que, dans cette misérable demeure qui est mon corps, ma sensibilité et ma raison habitent deux étages différents, et qu’il n’y a pas, qu’il n’y aura jamais d’escalier. Je ne sais quoi, tout au fond de moi-même, de fabuleusement antique, venu d’ancêtres oubliés, sauvages, frémissants, intelligents et ignorants, cherchant à comprendre l’immense mystère du monde et ne sachant même pas qu’ils avaient un cerveau — pensant, si je puis dire, comme des bêtes qui auraient une manière de génie — je ne sais quoi de barbare, de rétrograde et d’inquiétant voudrait me persuader que l’univers est peuplé d’ombres, de forces puissantes, conscientes, malicieuses ou bienveillantes ; que les morts vivent, près de moi, d’une autre vie, que mes songes nocturnes sont vrais, d’une vérité magique et magnifique, draguant mes yeux fermés vers un avenir obscur ; que le mal, le bien sont des êtres, des satans ou des dieux, aux mains amicales ou funestes, au visage accueillant ou sinistre…