Le monarque
Tietoa kirjasta
L’Espélunque est un village qui touche aux vallées des deux Gardons, après avoir dit bonjour aux Cévennes, pas bien loin de Nîmes, si vous voulez, impossible à canonner du haut des remparts d’Avignon, si vous en aviez fantaisie, plus bas que Ganges, plus haut que Bernis, à la même hauteur que Maillezargues, bien fourni de vignes, bien garni de cailloux, fort dépourvu d’arbres — sauf pour des figuiers sauvages et des chênes-nains par-ci par-là — éventé du mistral comme la forge au diable, sec à faire crever un âne huit mois de l’année, ruisselant d’eau, dix jours du reste, comme la figure d’une veuve pauvre le jour qu’on met son mari en terre, confortablement peuplé de citoyens, mais mieux rembourré de moutons, surtout abondamment poivré de chèvres, bossué comme le crâne d’un vieux juge, parfumé comme le corps d’une belle fille, à cause d’un tas d’herbes qui poussent sur la chaux nue, on ne sait comment, par la grâce spéciale du Seigneur, — au demeurant le plus brave pays sur terre à cause de toutes ces choses, et que les hommes y ont belle taille, bonnes dents, bon pied, bon œil, et la jugeote si rigoleuse et froide en même temps, que le monde qui n’est pas né à l’Espélunque ne peut pas comprendre l’Espélunque : et c’est bien pourquoi, vous comprenez, le monde est toujours roulé.