Quelques réflexions sur les origines de l’hitlérisme
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Les pages qui suivent sont extraites d’une étude datant de 1940. Intitulée "Hitler et la politique extérieure de la Rome antique", celle-ci fut publiée par Albert Camus après la guerre. La troisième partie, que nous reproduisons ici, fut en revanche interdite par la censure de l'époque.
La réflexion que Simone Weil porte sur la montée du nazisme a ceci de vivifiante qu'elle n'a rien de manichéenne. Hitler n'y apparaît pas seulement comme une sorte d'incarnation du mal absolue. Son avènement, en réalité, s'explique par des mécanismes à la fois historiques et sociologiques. Quant à son idéologie, elle possède des racines fort lointaines qu'il convient de dévoiler afin de la comprendre, de la démystifier, de lui enlever pour ainsi dire de sa superbe, comme si le fait d'être en capacité d'analyser l'origine de la folie hitlérienne permettait de la rendre moins puissante. Car pour Weil, au regard des modèles dont il s'inspire, Hitler ne mérite même pas d'être qualifié ni de grand dictateur, ni de grand chef de guerre. Laure Adler, qui consacra en 2011 un ouvrage à la philosophe, évoque d'ailleurs en ces termes l'étude dont il est ici question : "Elle fait de Richelieu le précurseur d'Hitler, le compare à Louis XIV et à Napoléon puis se livre à une longue analyse historique en rapprochant la Rome ancienne de l'actuel système hitlérien : même méthode d'asservissement des peuples, même certitude de vouloir dominer le monde, même volonté d'écraser les consciences. Ni les méthodes ni l'objet même de la politique ne diffèrent : écraser en prétendant faire régner un nouvel ordre au nom d'une civilisation dite supérieure." (Laure Adler - L'insoumise Simone Weil, 2011) Hitler s'inspire donc de ses prédécesseurs, il s'inscrit dans une continuité, dans une histoire dont nous avons, in fine, une part de responsabilité.
Extrait
« Il n'y a pas de "France éternelle", tout au moins en ce qui concerne la paix et la liberté. Napoléon n'a pas inspiré au monde moins de terreur et d'horreur qu'Hitler, ni moins justement. Quiconque parcourt, par exemple, le Tyrol, y trouve à chaque pas des inscriptions rappelant les cruautés commises alors par les soldats français contre un peuple pauvre, laborieux et heureux pour autant qu'il est libre. Oublie-t-on ce que la France a fait subir à la Hollande, à la Suisse, à l'Espagne ? On prétend que Napoléon a propagé, les armes à la main, les idées de liberté et d'égalité de la Révolution française ; mais ce qu'il a principalement propagé, c'est l'idée de l'État centralisé, l'État comme source unique d'autorité et objet exclusif de dévouement ; l'État ainsi conçu, inventé pour ainsi dire par Richelieu, conduit à un point plus haut de perfection par Louis XIV, à un point plus haut encore par la Révolution, puis par Napoléon, a trouvé aujourd'hui sa forme suprême en Allemagne. Il nous fait à présent horreur, et cette horreur est juste ; n'oublions pas pourtant qu'il est venu de chez nous. »
Simone Weil
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