Gwen, princesse d’Orient
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Extrait
| I
La résidence des rajahs de Pavala, à Bornéo, se composait de plusieurs palais, construits au milieu de jardins magnifiques et reliés entre eux par de longues galeries de marbre blanc. Ils avaient chacun leur nom.
Celui de Sa Hautesse Han-Kaï s’appelait le palais de la Lumière Heureuse. Sa Hautesse Han-Kaï, jeune rajah de Pavala, portait, en France, le nom du vicomte Dougual de Penanscoët. Il était, en effet, le fils du comte Ivor de Penanscoët, dont la résidence personnelle était connue sous le nom de palais du Dragon d’Or. Comment ces Bretons se trouvaient-ils à la tête de cet État hindou ? De tout temps, les membres de la famille de Penanscoët, dont l’origine était perdue dans les brumes de la légende, avaient aimé les aventures lointaines d’où ils revenaient bien souvent pervertis par l’or et les plaisirs. Ne faisant pas exception à cette tradition familiale, les deux frères Ivor et Riec quittèrent très jeunes le domaine de Kermazenc – cadeau du duc de Bretagne à un de leurs lointains ancêtres – pour courir le monde. On apprit, un jour, qu’après mille mésaventures ils avaient épousé deux sœurs, filles d’un maharajah. Mais, tandis que Riec mourait l’année suivante, suivi peu après dans la tombe par sa femme, Ivor avait été désigné par le rajah de Pavala pour lui succéder. Et c’est ainsi qu’il était devenu un puissant despote oriental.
Il était resté de longues années sans revenir en France, mais s’était tout de même décidé à aller passer un été dans son château de Kermazenc. Il était accompagné dans ce voyage de sa femme Nouhourmal, de son fils Dougual, de son confident, un brahmane nommé Appadjy, et de ses nombreux domestiques indigènes, hindous, malais et chinois. Il avait donné des fêtes somptueuses, dignes d’un potentat d’Orient, transportant pour une nuit ses invités bretons dans les féeries des Mille et une Nuits. Depuis peu, il était de retour à Palava. Son fils l’avait précédé de quelques jours.
Cet après-midi, il travaillait dans une salle fraîche et parfumée en compagnie de son fidèle Appadjy et d’un secrétaire à qui il dictait du courrier, quand Dougual entra. D’un geste, Ivor congédia le secrétaire. Restés seuls, le comte, son fils et le brahmane s’entretinrent, en prenant le thé, de quelques faits de politique générale qui, à ce moment, occupaient l’Europe. M. de Penanscoët les ramenaient à sa grande préoccupation : une organisation secrète, formidable, du monde asiatique...|