Le sceau de Satan
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Extrait
| I
Arrivé à la fin de la montée, j’arrêtai ma voiture. À gauche de la route s’étendait une châtaigneraie, lumineuse sous le soleil matinal. À droite, la bondissante rivière, à demi cachée par les arbustes penchés vers sa fraîche haleine, grondait au fond du ravin profond qui formait la base d’une falaise noire, bloc de basalte autrefois jailli du sol lors de quelque puissante convulsion volcanique. Des hêtres couronnaient cette hauteur, qu’une assez large faille séparait d’une autre presque semblable, due sans doute au même bouleversement millénaire. Au bord de celle-ci, une terrasse étendait ses pilastres de pierre grise. Je sus ainsi, d’après la description de Pierre Harige, que je me trouvais en face du domaine des Roches-Noires, but de mon voyage.
L’année précédente, au cours d’un séjour à Luchon où j’accompagnais ma mère, j’avais fait la connaissance de ce cousin qui logeait avec sa famille au même hôtel que nous. Mon père n’avait jamais entretenu de relations avec ses parents de Corrèze. Le cousinage, d’ailleurs, datait d’assez loin. J’ignorais donc tout de ces Harige que le hasard me faisait ainsi rencontrer.
Pierre Harige habitait, l’hiver, Orléans, pays de sa femme, et l’été une propriété qu’il possédait aux environs de Brive. À lui, comme à Mme Harige, comme à leurs deux enfants, Monique et Michel, on pouvait appliquer cette épithète : quelconque. À peu près toutes leurs préoccupations convergeaient vers ce but : penser, dire, faire ce qu’ordonnait la mode, sans idée personnelle, en y mettant d’ailleurs une certaine ingénuité qui atténuait un peu l’agacement causé par cette sottise moutonnière.
Pierre Harige m’apprit l’histoire de ma famille paternelle que mon père, mort jeune, n’avait pu me faire connaître. D’ailleurs, d’après ce que me disait ma mère, il devait l’ignorer lui-même...|