Un marquis de Carabas
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Extrait
| I
Le thé dansant que donnait aujourd’hui Mme Leduc, la femme du plus jeune médecin de Treilhac, réunissait à peu près toute la meilleure société de la petite ville. L’hôtesse allait de l’un à l’autre, vive, aimable, un peu maniérée, bonne personne, d’ailleurs, comme le disait une vieille dame au profil de chèvre à Mme Damplesmes, avec qui elle s’entretenait en regardant les évolutions des danseurs.
L’autre – une blonde entre deux âges, au visage fané – approuva du bout des lèvres. Puis elle ajouta avec une moue de dédain :
– Mais elle est bien peu intelligente, soit dit entre nous.
– Oh ! pas moins que beaucoup d’autres ! Seigneur ! que ces danses sont inélégantes ! Quand je pense à celles de mon temps ! Tout cela est bien loin, hélas !
Mme Damplesmes dit sentencieusement :
– Il faut être de son époque, madame. Voyez ma fille. Elle est très sérieuse, en dépit de ses allures plus libres que celles ayant cours autrefois.
La vieille dame jeta un coup d’œil vers une petite blonde qui causait depuis un long moment dans une embrasure de fenêtre avec un jeune homme à mine de fat, vêtu avec une élégance trop appuyée.
– Elle paraît trouver Jean-Paul Morin à son goût, votre Janine, ma chère amie.
Mme Damplesmes soupira légèrement.
– Il serait tout à fait le mari de nos rêves ! Mais on le dit très intéressé.
– C’est de famille. Le père Morin a épousé le sac, en prenant par-dessus le marché la plus laide femme du monde.
Mme Leduc, qui s’approchait des causeuses, demanda en souriant :
– De qui parlez-vous ? Quelle est la plus laide femme du monde ?
– Vous ne l’avez pas connue, chère madame. C’était la mère de Jean-Paul Morin – lequel fait rêver Janine, paraît-il...|