Ma robe couleur du temps
Opis książki
Extrait
| I
Un matin de juin, Mme Barduzac entra dans ma chambre, où je terminais une des pièces de mon trousseau. Elle s’assit dans mon unique fauteuil, et le pauvre, qui n’était pas neuf, gémit sous le poids respectable de la femme de mon tuteur.
– Il nous arrive une chose ennuyeuse, Gillette.
Je demandai sans m’émouvoir :
– Quoi donc, madame ?
– Les Samponi donnent une matinée dans quinze jours et nous invitent.
– Les Samponi ? En voilà une idée !
Ma voix prenait une intonation de dédain qu’accentua une moue légère.
– Mais c’est une bonne idée ! Ils cherchent à marier leurs filles, ces gens !
Je n’ignorais pas qu’il suffisait qu’une opinion, un goût ou une antipathie fussent exprimés par moi pour que, immédiatement, Mme Barduzac fût d’un avis contraire. Les Samponi, d’origine italienne, bavards, indiscrets et quelque peu excentriques, ne lui plaisaient guère. Mais du moment où je semblais faire fi de leur matinée, ils lui devenaient aussitôt chers.
Je ripostai tranquillement :
– Eh bien, qu’ils les marient ! Je leur souhaite sincèrement cette bonne chance. Mais ils n’ont pas besoin de notre présence pour cela.
Mme Barduzac pinça ses grosses lèvres ombragées d’un duvet foncé.
– Est-ce ainsi que vous accueillez cette gracieuseté ? Nous les avons vus cinq ou six fois, et c’est vraiment fort aimable de leur part d’avoir songé à nous...|