Trois femmes
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— Mon père est là ? demanda Berthe Wilden, quand elle vit la porte s’ouvrir devant elle.
— Monsieur Fauli ? répondit la servante. Bien sûr, il n’est pas sorti de toute la journée.
« C’est vrai, songea Berthe. Je n’avais pas pensé que c’est aujourd’hui samedi. Père sort le moins possible ce jour-là. » Par un retour sur elle-même, elle éprouva un remords d’avoir oublié si vite, depuis son mariage, les habitudes religieuses de son enfance.
Elle ouvrit elle-même la porte du cabinet de travail. Le vieux Fauli était assis, inoccupé en apparence, devant son bureau. Le jour, tout près de mourir à cette heure, montrait, fortement accusé par la lumière qui tombait de la fenêtre, le profil ferme et net d’un vieux patriarche : des sourcils touffus, une lèvre épaisse sous la grande barbe blanche, un nez fort et busqué, élargi aux narines :
— Simcha, dit-il, ma Simcha !
Il lui donnait son nom secret, le nom oriental et réservé que les gentils ne connaissent pas, gardé précieusement pour la famille, et que Berthe n’entendait jamais prononcer sans un certain malaise, comme s’il eût contrarié son désir d’oublier des traditions pour lesquelles il lui semblait avoir perdu toute sympathie.