Suleïma
Tietoa kirjasta
C’était en Algérie, à Oran, en 1869, époque à laquelle j’étais presque un enfant.
Plumkett avait encore tous ses cheveux. C’était un matin de mars, Oran se réveillait sous un ciel gris. Nous étions assis devant un café qu’on venait d’ouvrir dans le quartier européen. Nous n’avions pas froid, parce que nous arrivions de France ; mais les Arabes qui passaient étaient entortillés dans leurs manteaux et tremblaient.
Il y en avait un surtout qui paraissait transi ; il traînait une espèce de bazar portatif qu’il étalait devant nous et s’obstinait à nous vendre à des prix extravagants des colliers en pâte odorante et des babouches.
Une petite fille pieds nus, en haillons, se cramponnait à son burnous ; une délicieuse petite créature, qui était tout en grands yeux et en longs cils de poupée. Elle avait un peu l’exagération du type indigène, ainsi que cela arrive chez les enfants. Les petits Arabes et les petits Turcs sont tous jolis avec leur calotte rouge et leurs larges prunelles noires de cabris ; ensuite, en grandissant, ils deviennent très beaux ou très laids.
C’était sa fille Suleïma, nous dit-il. En effet, c’était possible après tout : en décomposant bien cette figure de vieux bandit et en la rajeunissant jusqu’à l’enfance, on comprenait qu’il eût pu produire cette petite.
Nous donnions des morceaux de sucre à Suleïma, comme à un petit chien ; d’abord elle se cachait dans le burnous de son père, puis elle montrait sa tête brune, en riant d’un gros rire de bébé, et en demandait d’autres. Elle retournait ce sucre dans ses petites mains rondes, et le croquait comme un jeune singe.