Pour l’amour d’Ourida
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Extrait
| I
Ourida n’avait même pas la ressource de confier son anxiété à Mlle de Francueil. Celle-ci, complètement épuisée par le travail intensif de ces derniers jours, devait garder le lit. Sa vue, tout particulièrement, était en fort mauvais état. Mais elle n’avait pas les moyens de se rendre à Clermont pour consulter un oculiste. Mme de Varouze – sans doute afin de la tenir dans une plus stricte dépendance – s’abstenait depuis cinq ans de lui envoyer les cinquante francs mensuels qu’elle lui avait généreusement alloués. Le peu d’économies qui lui restait avait servi à payer quelques médicaments pour fortifier Ourida, un vêtement plus chaud ou des chaussures supplémentaires pour l’enfant qui souffrait du froid dans ce rude climat. Elle se trouvait donc maintenant sans ressources, au grand chagrin de la jeune fille qui se désolait de ne pouvoir rien pour elle.
– Oh ! si j’étais libre de travailler à mon compte, disait-elle avec une douloureuse impatience. Mais non, il faut que notre labeur profite à cette femme, qui vous tue ainsi à petit feu !
Mlle Luce hochait la tête sans répondre. Elle semblait plus froide, plus concentrée que jamais... Ourida en ressentit une impression fort pénible en ce moment où elle aurait eu tant besoin d’affection et de réconfort moral. Déjà décidée à ne pas faire partager son souci à cette femme abattue, fatiguée, elle s’affermit davantage encore dans sa résolution. Il fallait qu’elle portât seule le poids de ses craintes, de même que, quelques jours auparavant, elle avait conservé en elle l’espoir que lui avait donné le prince Falnerra.
Comme, le dimanche matin, Mlle Luce était incapable de se rendre à l’église, Brigida déclara que « Claire » viendrait avec elle. La perspective n’avait rien d’agréable pour Ourida. Néanmoins, puisqu’il s’agissait d’accomplir son devoir dominical, elle se soumit sans murmurer à la corvée que représentait ce trajet en compagnie de la femme de charge.
Au début de la messe, Lionel apparut dans le banc du château, où avait pris place Brigida et la jeune fille. Sa présence parut fort pénible à Ourida, qui se félicita d’être séparée de lui par la femme de charge.
Il sortit le premier, quelques instants avant la fin de la messe, et, dehors, la jeune fille ne l’aperçut pas. Mais comme les deux femmes s’engageaient dans le sentier de la forêt, elles le virent qui les attendait...|