La rose qui tue
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Extrait
| I
La brise, saturée du parfum des orangers, soulevait le journal étendu sur la table. Gemma pencha la tête pour relire l’annonce :
« On demande jeune personne de bonne famille, munie de diplômes, pour instruire deux petites filles. Écrire avec tous renseignements et références à la comtesse de Camparène, Grand-Hôtel, à Cannes. »
De longues coulées de soleil pénétraient jusqu’au milieu du salon vieillot, dont les murs tendus de toile de Jouy fanée s’ornaient de portraits encadrés d’une dorure ternie. Sur la petite terrasse, dans des vases en terre vernissée, de hautes digitales offraient la pourpre vive et le rose tendre de leurs clochettes. Le jardin s’étendait au-delà, abondamment fleuri, bien que négligé depuis la mort de Mme Faublans.
Gemma repoussa le journal et s’accouda à la table. La chaude lumière de mars avivait les reflets moirés des cheveux blonds formant des boucles légères sur la nuque délicate, d’un blanc de nacre. De cette même blancheur nacrée, à peine teintée de rose tendre, était le jeune visage sérieux aux beaux yeux songeurs et soucieux.
Une porte claqua tout à coup, des pas résonnèrent sur le dallage du vestibule. Au seuil du salon parut une jeune fille vêtue de demi-deuil. Elle jeta sur un siège le carton à musique qu’elle tenait à la main, et se laissa tomber sur le petit canapé dont la soie s’élimait.
– Quelle corvée que ces leçons ! Quelles nullités que ces élèves !
La voix était plaintive, comme les yeux couleur d’un beau ciel d’été. Sur ceux-ci battaient de longs cils blonds qui formaient un séduisant contraste avec de bruns cheveux bouclés.
Gemma laissa retomber ses mains sur la table et regarda sa sœur.
– Je viens de voir dans ce journal quelque chose qui pourrait peut-être me convenir...
Elle tendit la feuille à Mahault. Celle-ci lut, et fit la moue.
– Institutrice, avec tous tes diplômes...
– Tu as vu qu’ils ne me servent à rien pour trouver une situation, depuis des mois que je cherche ?..|