L’accusatrice
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Extrait
| I
Le grand vieux logis des Fauveclare se mirait dans les eaux calmes du charmant petit lac appelé par tous, dans le pays, les Eaux Vertes. On y arrivait par une difficile route de montagne qui, partant de Favigny, petite cité comtoise, côtoyait des combes sauvages avant de se perdre dans une sévère forêt de mélèzes et de pins. La maison, baptisée elle aussi les Eaux Vertes, était bâtie sur l’emplacement d’une maison forte où vivaient, au seizième siècle, les ancêtres des Fauveclare, avant qu’ils ne descendissent s’installer dans le bourg, alors fortifié, de Favigny. Divisée en deux corps de bâtiment, complètement indépendants, sans aucune communication entre eux, elle était restée propriété indivise des deux branches de la famille : la branche espagnole, les Fauveclare de Villaferda, et la branche française, restée fidèle au sol natal. Les Fauveclare, de tout temps, allaient y passer les jours chauds de l’été.
Assis à l’ombre d’un bosquet, dans le grand verger qui s’étendait derrière la maison, Anne Fauveclare et ses neveux, Isabelle et Aubert, semblaient plongés dans une profonde méditation. Un nuage de tristesse s’étendait sur leurs jeunes visages. Anne rompit enfin le silence : – Vous verrez, vous verrez, nous nous habituerons, dit-elle. Et au moins, ici, il n’y aura plus de « louve » pour dévorer le peu qui nous reste... Nous organiserons notre vie de travail et il y aura encore des jours heureux pour nous... C’est qu’en effet un drame avait bouleversé l’existence des jeunes gens. Quelques années auparavant, ils vivaient en paix lorsque arriva à Favigny dona Encarnacion Fauveclare de Villaferda, son fils don Rainaldo et sa belle-fille dona Enriqueta, une petite Espagnole toute jeune encore. Ils venaient s’installer dans la maison familiale des Belles Colonnes, à Favigny, elle aussi propriété indivise. Dona Encarnacion était suivie d’une jeune parente, Claudia de Winfeld, qui tenait près d’elle le rôle de dame de compagnie...|