Le violon du tzigane
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Extrait
| I
Mirka !... Mirka !... Mirka !...
Le premier appel, lancé d’une voix rude, témoignait déjà d’une certaine impatience ; le second se fit irrité, le troisième revêtit une intonation menaçante.
Mais personne n’y répondit.
Et la vieille servante, ses gros sourcils blancs furieusement froncés, rentra dans sa cuisine en grommelant :
– Encore à courir, cette mauvaise bohémienne ! Attends un peu, je te recevrai comme il convient, tout à l’heure !
Cependant, la voix d’Aglaja était fort bien parvenue aux oreilles de la destinataire. Mais la petite tête brune de Mirka avait répondu à l’appel par un mouvement de défi, et le maigre petit corps vêtu de vieux vêtements déteints s’était enfoncé plus commodément encore dans le trou creusé du hêtre centenaire où Mirka avait élu domicile.
Elle était si bien ici, loin de Mlle de Holsenheim et d’Aglaja ! Et ce coin du parc de Rosdorf était si joli ! Elle serait grondée, peut-être battue tout à l’heure, mais tant pis ! Une fois de plus ne comptait guère, et elle aurait au moins passé une bonne après-midi près de ce joli petit lac couvert de nénuphars et moiré de grandes plaques étincelantes par le soleil à son couchant.
Et puis elle se trouvait au milieu de ses arbres, ses chers arbres. Ils étaient ses seuls amis, elle leur parlait comme à des êtres intelligents et elle écoutait leurs réponses Car ils lui répondaient. L’enfant des bohémiens, la fille des races errantes, découvrait un sens au frémissement des feuilles soulevées par la brise, au craquement des branches, aux bruits mystérieux courant à travers les futaies de Rosdorf et de la forêt d’Harbenheim, sa voisine. Au printemps, elle se réjouissait à la montée de la sève, à l’éclosion des petites feuilles vert tendre ; à l’automne, elle pleurait lorsque le sol se couvrait des dépouilles jaunies de ses amis. Elle s’inquiétait si l’été était torride et, l’hiver, venait admirer leur blanche parure, se réjouissant depuis que Lohn, le vieux domestique à tout taire de Rosdorf, lui avait appris que la neige ne les incommodait pas, bien au contraire...|