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Extrait
| I
Les mouches volaient dans l’air doux qui sentait l’eucalyptus et les pins. L’une d’elles frôla le grand nez maigre de M. Labarède et se posa sur le front dégarni, couleur de vieil ivoire. Mme Labarède se souleva un peu sur son fauteuil en étendant la main pour chasser l’importune. Ce mouvement réveilla le dormeur. Deux bons yeux gris apparurent, tout souriants dans le visage en arêtes vives sur lequel la peau fermait des plis menus.
– Qu’y a-t-il, Rose ?
– Une mouche qui te tracassait, mon chéri.
– Ah ! la petite coquine !
Il rit doucement et se redressa en ramenant en avant sa calotte de drap gris.
Mme Labarède retint l’ouvrage de tricot interrompu qui allait glisser de ses genoux. Ses beaux yeux noirs de Provençale demeuraient brillants dans la matité jaunâtre du teint qui se fanait. Ils laissaient transparaître toujours sa tendresse d’épouse, ce grand amour tranquille et confiant que rien n’était venu attaquer, en quarante-cinq années de vie commune. Un sourire de bonté malicieuse entrouvrait les lèvres larges entre lesquelles apparaissaient des dents fort belles encore, très blanches auprès du rose toujours vif des lèvres.
– Quel excellent petit somme tu as fait ! En vérité, tu dormais comme un bienheureux ! Sans cette mouche...
– Elle a bien raison. Il est temps d’aller au travail, ma bonne Rose.
Il se leva avec effort, en marmottant :
– Oh ! ces diables de rhumatismes !
Sa grande taille maigre se dressa, encore droite, bien à l’aise dans un vêtement large de couleur terne, un peu usé. Le vieillard étira ses bras, fit craquer ses articulations.
– Je vieillis, ma Rose. Il est loin le temps où nous dansions la farandole au mas d’Ouyolles, chez ton oncle Théophile !
Elle soupira :
– Oui, il est loin !...|