L’Ondine de Capdeuilles
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Extrait
| I
Un domestique entra silencieusement et déposa sur le bureau le second courrier du matin. Odon, fermant le volume qu’il parcourait, éparpilla d’une main distraite les revues et les lettres. L’une de celles-ci attira son attention. Sur l’enveloppe large, de papier mince et ordinaire, une main certainement féminine avait inscrit l’adresse du marquis de Montluzac. Odon murmura :
– Quelle aïeule m’écrit là ?... Oui, une aïeule, bien certainement, car on n’a plus de ces charmantes écritures, aujourd’hui.
Il ouvrit l’enveloppe, sans hâte. Car il n’attendait rien de la vie. Depuis la mort du frère qui avait été son unique affection, il avait goûté à toutes les jouissances, et il ne lui restait au cœur que le vide, l’amer dédain de tout.
Le feuillet qu’il déplia était couvert d’une écriture toute différente – écriture de vieillard tremblée, presque illisible.
Non sans difficulté, quelle que fût son habitude de déchiffrer les vieux textes. M. de Montluzac parvint à lire ce qui suit :
« Monsieur et cher cousin,
« Je suis un étranger pour vous, et peut-être allez-vous accueillir ma demande par un haussement d’épaules, en jetant au feu cette lettre d’un vieillard inconnu. Mais non, vous devez avoir l’âme généreuse des Salvagnes, et vous répondrez affirmativement au désir d’un homme très âgé, très infirme, qui descend comme vous du vaillant Odon de Salvagnes, le preux chevalier dont les exploits se chantent encore dans notre Périgord. Ce désir, le voici : voulez-vous venir me trouver ici, à Capdeuilles, mon vieux château, pour vous entretenir avec moi d’un sujet qui me tient fort à cœur ? Pardonnez-moi de n’être pas plus explicite. Mais mes pauvres doigts engourdis ne peuvent plus tenir la plume. Je vous attends et vous remercie d’avance.
« Olivier de Salvagnes,
vicomte de Capdeuilles.
« Capdeuilles, 12 octobre 1907. »...|